Nous n'oublierons jamais, nous ne pardonnerons jamais - 6 mois après le massacre de Pylos !

Six mois après le naufrage de l’ “Adriana” au large de la ville côtière grecque de Pylos, tuant plus de 600 personnes, tout sentiment de “justice” semble bien loin. Pourtant, nous ne resterons pas sans rien faire et continuerons à lutter contre la normalisation de la mort et de la violence aux frontières de l’Europe. 

Map: Google maps with added position by Alarm Phone. Correction: the position on the map is from 16:13 CEST on 13 June 2023 (NOT July).

Il y a six mois aujourd’hui, au moins 600 personnes ont été tuées en mer Méditerranée. Le 14 juin 2023, elles se sont noyées au large de la ville côtière grecque de Pylos – pendant que les garde-côtes helléniques les regardaient. De nombreux centres de coordination des secours maritimes, différents garde-côtes et l’agence européenne de gestion des frontières Frontex avaient été informés de la présence de l’embarcation en détresse plusieurs heures auparavant. Un navire des garde-côtes helléniques était même resté sur les lieux de la détresse pendant des heures. Mais l’ Adriana, complètement surchargé et transportant environ 750 personnes, n’a pas été secouru. Selon les témoignages des survivant.es, le bateau a coulé lorsque les garde-côtes helléniques ont tenté de le tirer avec une corde. S’agissait-il d’une tentative infructueuse de remorquer le bateau hors de la zone de sauvetage grecque et vers les eaux italiennes, comme le pensaient certain.es survivant.es ? De nombreux facteurs plaident en faveur de ce scénario. Une chose est claire : Pylos n’était pas un accident, c’était un autre massacre en mer. C’est la conséquence de la politique migratoire de l’UE et de la brutalisation croissante du contrôle des frontières, en mer, sur terre et dans le discours public.

Après un bref tollé, le massacre de Pylos a disparu des débats et des reportages publics. Six mois après le naufrage de l’Adriana, la justice reste une perspective lointaine. Le rôle des autorités grecques n’est pas sérieusement examiné par le système judiciaire grec. Et certainement pas par les politiciens : le Premier ministre grec défend les (in-)actions à la télévision et rejette la faute sur les passager.es de l’embarcation. Pour des centaines, voire des milliers de proches et de survivant.es, il ne reste que la douleur. Pendant ce temps, neuf des survivants sont jugés, accusés d’être des passeurs. Ils risquent des peines de prison de plusieurs centaines d’années pour avoir provoqué un naufrage, pour homicide par négligence dans plusieurs centaines de cas et pour avoir facilité l’entrée illégale. Il s’agit là clairement d’un nouvel exemple de la criminalisation croissante de l’immigration et des migrants et migrantes. Rien qu’en Grèce, plus de 2 000 personnes sont emprisonnées pour avoir conduit un bateau ou des voitures, pour avoir assuré la coordination dans des moments de détresse, pour avoir facilité des échanges grâce à des compétences linguistiques ou pour avoir tenté d’apporter un peu de sûreté dans des moments de sévère insécurité.

L’État grec et ses partenaires de l’Union Européenne se dérobent à toute responsabilité. Non seulement ils empêchent une enquête approfondie sur les événements, mais ils dissimulent activement leur part de responsabilité dans ce massacre. L’Europe fait comprendre que les mort.es et les survivant.es doivent être oublié.es et pendant ce temps, les mort.es en Méditerranée et aux frontières de l’Europe continuent.

La solidarité doit gagner !

Nous luttons contre cette cruelle injustice. Uni.es dans la solidarité, nous essayons de contester la normalisation des conséquences mortelles de la politique migratoire de l’UE. Dans les jours et les mois qui ont suivi le massacre de Pylos, nous avons uni nos forces à celles des proches et, avec de nombreuses autres organisations, nous avons tenté d’organiser l’entraide, en luttant contre les obstacles bureaucratiques pour rechercher les disparu.es. Nous avons créé un espace d’échange émotionnel et d’autres sortes de soutiens pratiques dans la lutte contre l’injustice.

Des centaines de personnes sont mortes au large de Pylos – toutes avaient des parents, des ami.es et des proches qui les recherchaient et à qui elles manquent encore aujourd’hui. Et chaque personne disparue a une histoire, comme celle de Nabeel, du Pakistan. Un proche de Nabeel nous a envoyé ces mots il y a quelques jours :

“Je viens d’une vallée malchanceuse qui a perdu plus de 20 jeunes garçons dans le tragique naufrage de Pylos. Le naufrage a notamment emporté mon beau-frère de 26 ans, Nabeel, qui était le plus jeune de trois frères. Nabeel était très cher à tous ceux et toutes celles qui le connaissaient. En effet, il était un travailleur politique, sociable, très gentil et prêt à aider toute personne dans le besoin.Il manque encore beaucoup aux personnes qui l’ont connu et elles fondent en larmes en se souvenant de comment il était. Malheureusement, nos jeunes, dont Nabeel, ont été pris au piège par des passeurs. J’admets que nous, les habitants du tiers-monde, et nos gouvernements sommes responsables de cet incident tragique. Mais nous pensons que le traitement réservé aux pauvres réfugié.es par les gouvernements européens est injuste et viole les droits humains fondamentaux. Les histoires que nous avons entendues sur la façon dont ce malheureux navire a été laissé en plan sous la supervision des autorités grecques et où plus de 700 personnes ont été abandonnées dans l’eau sans aucun effort significatif pour les sauver sont très douloureuses et déchirantes pour nous !Mais la façon dont vous avez mis en lumière la négligence criminelle des garde-côtes grecs est tout à fait louable ! Nous savons que vous ne pouvez pas ramener nos êtres aimé.es, mais nous espérons que vos efforts sincères seront efficaces à l’avenir pour assurer la sécurité de vies précieuses et pour sauvegarder les droits fondamentaux des pauvres réfugié.es”.

Différentes initiatives sont nées de la lutte contre l’oubli et la dissimulation des autorités grecques.

40 avocats et de nombreux proches se sont rallié.es à la campagne “Justice 4 Pylos” et ont déposé une plainte pénale auprès du tribunal maritime du Pirée en septembre. Amnesty International et Human Rights Watch présentent aujourd’hui leur enquête sur cette affaire. Cette semaine a également vu le lancement de la campagne pour les “Pylos9”, les neuf survivants qui ont été inculpés par les autorités grecques.

Nous ne devons pas relâcher notre lutte contre le régime isolationniste meurtrier et ses conséquences, contre la criminalisation de l’immigration et contre les crimes commis par les autorités européennes à l’encontre des migrant.es. Aujourd’hui, nous commémorons les centaines de personnes qui sont mortes au large de Pylos. Nous sommes solidaires de tous et toutes leurs proches. Nous sommes également aux côtés de toutes celles et ceux qui ont dû quitter leur foyer et qui sont en déplacement, où qu’iels soient et quelle que soit la raison pour laquelle iels ont dû partir. Nous continuerons à nous tenir à vos côtés et à nous opposer au régime de contrôle des migrations et à la violence aux frontières !

Nous ne pardonnerons jamais, nous n’oublierons jamais : Nous construisons une mémoire collective à partir de notre douleur et continuons à nous battre pour la liberté de circulation pour toutes et tous – pour une société basée sur la solidarité et la liberté de chacun et chacune de prendre ses propres décisions concernant sa vie.

Uni.es par la solidarité – Liberté de circulation et égalité des droits pour toutes et tous !